Marre de l’initiativite aiguë?
De plus en plus de voix s’élèvent pour demander une limitation du nombre de textes, souvent inapplicables ou contraires au droit, soumis au peuple. Quitte à saborder la démocratie directe?

Une avalanche. L’impression de devoir se prononcer tous les dimanches. Sur des sujets qui péjorent l’image de la Suisse – minarets, libre circulation – ou à répétition comme la caisse unique. L’inflation est bien là: 37 initiatives populaires soumises au vote entre 1848 et 1950, 38 entre 1951 et 1980, 118 entre 1981 et septembre 2014.
Le 9 février marque à cet égard un tournant, qui a généré en tout cas dans la classe politique, la population, les milieux économiques, un traumatisme certain. Au point que fleurit depuis, dans toutes les bouches autorisées, l’idée de «moderniser» la démocratie directe. Moderniser étant ici synonyme de «restreindre».
Histoire d’endiguer ce flot d’initiatives populaires qui, loin d’apaiser le débat politique ou de renforcer la cohésion nationale, paraissent plutôt entasser les röstis sur la fameuse barrière linguistique, placer la Suisse en porte-à-faux avec ses partenaires, spécialement l’Union européenne, renvoyer l’image d’un peuple frileux, égoïste, cramponné aux doux nuages de son paradis solitaire, et pénaliser in fine l’économie.
Dans ce contexte, la tentation de mettre un frein à l’initiativite aiguë paraîtrait logique. La Commission des institutions politiques du Conseil des Etats propose ainsi de durcir ce droit d’initiative populaire. L’idée serait d’invalider avant votation les textes posant problème – ceux qui sont visiblement inapplicables, contraires au droit international, discriminatoires ou contraires au principe de proportionnalité. Le Tribunal fédéral pourrait jouer le rôle d’éminente guillotine.
Le conseiller aux Etats Robert Cramer, devant le reproche de déni démocratique, a eu cette réponse: «Je préfère décevoir 100 000 signataires qu’un million et demi de votants.» Personne pour l’heure n’a songé à lancer une initiative interdisant l’interdiction d’initiatives.
«Les droits populaires sont eux-mêmes des droits fondamentaux»

Antoine Chollet, politologue à l’UNIL, auteur de «Défendre la démocratie directe».
© Migros Magazine - Laurent Nicolet
Photos: Keystone et Nicole Chuard
Auteur: Laurent Nicolet