Reed Hastings, CEO de Netflix: «La TV linéaire va mourir»
Netflix, le géant américain de la vidéo à la demande, est disponible depuis le jeudi 18 septembre sur le marché helvétique. Entretien avec son CEO et cofondateur Reed Hastings.

Pour la même raison qu’une tasse de café coûte plus cher en Suisse qu’aux Etats-Unis! Nous nous adaptons simplement au coût de la vie…
Il nous a fallu sept ans aux Etats-Unis pour que le tiers des ménages s’abonne à Netflix. En Suisse, comme ailleurs en Europe, j’espère parvenir à un même résultat dans les cinq à dix prochaines années.
J’ai été surpris de constater à quel point tout était si cher ici! Ensuite, avec la Belgique où nous avons débuté également nos activités cette semaine, la Suisse est le seul pays plurilingue où nous sommes présents. Un joli challenge! Actuellement notre offre helvétique est disponible en allemand et en français. Nous espérons que dans les prochaines années nous pourrons également nous implanter en Italie et dans le même temps proposer du contenu pour les italophones de Suisse.
Parce qu’un tel système de surveillance est très coûteux! Les dix premières années, nous n’étions présents qu’aux Etats-Unis. Il y a trois ans, nous nous sommes exportés au Royaume-Uni, puis dans d’autres pays d’Europe… Nous aimerions que Netflix soit disponible dans le monde entier, comme YouTube! Mais nous devons nous acquitter des droits de diffusion pour chacun des titres à disposition sur notre plateforme, et ceci séparément pour chacun des pays… Un travail énorme!
Vous pouvez en effet, puisque l’offre en français depuis la Suisse sera très similaire à celle proposée en France. Tout comme la liste des titres en allemand sera très proche de celle accessible d’Allemagne.
La Suisse est malheureusement un marché trop petit. Après la série «Marseille», nous chercherons d’abord à produire un contenu spécifique pour l’Allemagne… A court terme, rien n’est donc prévu en Suisse. Mais tout reste dans un avenir plus lointain.
Nous y verrions bien sûr un certain potentiel mais pour l’instant rien n’est prévu. Les deux premières années où nous étions présents au Royaume-Uni, nous n’étions disponibles sur aucune boxe d’opérateur TV. Cela ne nous a pas empêché de trouver notre public puisque l’on peut accéder directement à Netflix depuis les Smart TV, ordinateurs ou tablettes. Aujourd’hui, nous avons pu signer un accord avec Virgin et implanter l’application Netflix dans leur système. De tels accords peuvent permettre un développement plus rapide mais ils ne sont en aucun cas essentiels.
Je ne le suis pas personnellement. Peut-être que certains de nos collaborateurs le sont, car ils sont toujours à la recherche de nouvelles pistes… Mais de tels accords prennent beaucoup de temps à se mettre en place. D’autant plus que l’abonnement à Netflix est bon marché et que nous n’avons donc pas de gros revenus à partager en cas de collaboration.
Non! On ne trouve aucune publicité sur notre plateforme. C’est là le cœur de notre concept. Cela nous permet de nous différencier de la piraterie. Lorsqu’on se rend sur un site illégal de streaming, on est à tout moment envahi par des publicités intempestives...
Les chaînes traditionnelles, comme la BBC au Royaume-Uni, ont largement investi pour créer des portails sur internet où l’on peut visionner toute leur production quand on le désire. C’est une manière d’anticiper le futur! La télévision avec des programmes linéaires sera bientôt comparable aux téléphones fixes. Vos parents ont certainement encore ce type d’appareil chez eux… mais vous-même, vous vous contentez d’un téléphone portable! Certaines personnes ont grandi avec cette habitude d’allumer la TV à heure fixe, par exemple pour regarder les infos. Mais aujourd’hui, nous savons que l’on peut retrouver ces informations à n’importe quelle heure sur internet. Je ne prédis pas la mort des chaînes de TV. Mais celle des diffusions linéaires des programmes.
J’adore «Mad Men». Parce que cette série, qui se déroule dans les années 60 à New York, me rappelle les années de jeunesse de mes parents. Je revois les photos de ma mère à l’époque qui me portait dans ses bras, avec un verre de Martini dans une main et une cigarette dans l’autre.
Netflix: le test

L’offre est alléchante. Pour un prix de base de Fr. 11.90 par mois (comptez Fr. 12.90 pour une qualité HD), vous avez accès à un millier de titres en streaming: films, épisodes de séries, documentaires et programmes pour enfants. Et cela en toute simplicité, sans aucune publicité et de manière illimitée.
Après une rapide inscription sur son site web (le premier mois est gratuit, mais il faut déjà communiquer ses coordonnées bancaires), on est impressionné par la simplicité de la plateforme. Les titres sont rangés par catégories et l’on vous recommande, selon les titres déjà visionnés, quels autres contenus pourraient vous intéresser. La rapidité est aussi au rendez-vous: un clic sur la vidéo choisie et la lecture démarre, avec une très bonne qualité de son et d’image. Impressionnant!
Reste la question que tout le monde se pose: le contenu de la plateforme suisse est-il à la hauteur des espérances? Ted Sarandos, responsable du contenu chez Netflix, ne veut juger le catalogue selon le nombre de titres disponibles: «Notre librairie évolue en permanence, explique-t-il. Notre priorité n’est pas de privilégier la quantité, mais la qualité. Donc que chacun puisse y trouver un contenu à son goût!»
Si au niveau films le catalogue est plutôt minimal, avec des productions qui ont toutes déjà été diffusées à la TV, Netflix fait mieux côté séries. Une septantaine sont déjà accessibles sur le portail, dont quelques-unes inédites en Suisse à l’image d’Orange is The New Black, l’une des productions phares de Netflix. Les séries sont toujours livrées d’un bloc, comprenant tous les épisodes d’une ou plusieurs saisons. Cerise sur le gâteau: la grande majorité des titres peut être visionnée, au choix, en français ou en VO, avec ou sans sous-titres.
A noter encore que les utilisateurs helvétiques ont la possibilité, grâce à une simple manipulation dans le menu, d’accéder à la fois à l’offre romande et alémanique. Pratique par exemple pour retrouver la série maison de Netflix House of Cards qui, pour des raisons de droits, ne se trouve que sur le portail germanophone (disponible en anglais et allemand).
© Migros Magazine – Alexandre Willemin
Auteur: Alexandre Willemin
Photographe: Keystone