Une vie sur la voie du budo
Depuis quarante ans, le Lausannois Bernard Wirz cherche à percer les secrets des arts martiaux, en s’y plongeant corps et esprit.

En octobre dernier, Bernard Wirz est devenu le troisième judoka de Suisse à obtenir le grade suprême de 6e dan par examen. «Sinon, il est plus souvent décerné à titre honorifique. Mais j’étais 5e dan depuis dix ans, mon corps fonctionne encore bien. Le fruit était mûr: j’étais prêt.»
A 55 ans, le Lausannois l’avoue: il ne lui fallait pas trop attendre pour se lancer dans ces six mois de préparation quotidienne intensive. «La technique et l’esprit continuent d’évoluer, le corps, lui, décline. C’est dans la logique de la vie, dans l’ordre des choses.»
Depuis quarante ans, Bernard Wirz n’a cessé d’apprendre le judo bien sûr, mais aussi son aïeul le jiu-jitsu, le full contact, l’aïkido, le sabre, le bâton et le nunchaku, discipline dans laquelle il a récolté ses plus grands succès en compétition. Il avait 15 ans et était encore au gymnase lorsque naît sa vocation. Il y rencontre son maître, Kahizuhiro Mikami, qui dirige alors le dojo le plus célèbre de la capitale vaudoise. «Je lui dois tout.»
Un peu plus tard à l’université, où il prépare une maîtrise en philo, il se plonge dans l’approfondissement philosophique et théorique du budo, convaincu que
L’esprit nourrit le geste et que, contrairement au corps, ses possibilités sont infinies.
Il a alors 23 ans, a passé sa ceinture noire et sait qu’il veut se consacrer entièrement à l’apprentissage et à la transmission des arts martiaux japonais.
Dès 1983, il fonde son école d’arts martiaux, louant des salles avec un petit groupe d’élèves. En 1992, il fait le pas et fonde son propre dojo. Aujourd’hui, trois cents enfants et adultes viennent pratiquer judo et maniement du bâton ou du sabre, mais surtout suivre l’Ecole des deux voies qui allie pratique sportive et connaissance:
Ils viennent ici pour chercher du sens à leur pratique. Là le professeur de philo que je suis peut leur apporter quelque chose. Et cela me rend heureux.
Bernard Wirz en quelques mots

Un symbole de sa pratique
La ceinture 6e dan, de couleur rouge et blanche, délivrée le 6 octobre 2012 par la Fédération suisse de judo. Après dix ans de 5e dan, elle est arrivée «comme un fruit mûr». Et par examen, non par don.

Le livre d’une vie
Sorti en 2005, cet ouvrage est le fruit de neuf années d’écriture et surtout de quatre décennies de réflexion autour des arts martiaux et de la pensée traditionnelle de l’Orient.

Un lieu important
Le makimono. Beaucoup de dojos y placent le portrait d’un grand maître.J’ai préféré une toile avec cette phrase: «Les oiseaux nagent dans l’eau, les poissons volent dans les airs.»

Un objet japonais
Le gorin: c’est une vasque japonaise à cinq étages symbolisant les cinq éléments: la terre, l’eau, le feu, le vent et le vide. C’est la Voie du budo: on naît terre et on remonte les éléments jusqu’à l’ultime maîtrise du vide.

Un coin de balade
Avec ma compagne et mon fils, nous nous promenons souvent du côté de la Tine de Conflens (VD), où Veyron et Venoge se rejoignent en une majestueuse cascade.
Auteur: Pierre Léderrey
Photographe: François Wavre / Rezo