Youri Gonard a la tête dans les copeaux
Ebéniste au talent artistique évident, Youri Gonard donne à Blonay une nouvelle vie aux meubles fatigués. En les customisant avec élégance.

Sûr qu’il a la veine artistique, Youri Gonard. Un ébéniste pas tout à fait comme les autres. Avec une formation musicale, le goût de la peinture, comme son arrière-grand-père Rodolphe-Théophile Bosshard, et surtout l’amour du bois. Tous les bois, platane, noyer américain, châtaignier, séquoia au rouge puissant… Bien sûr, il construit des tables, des bancs, des tabourets, mais ce qu’il préfère, c’est les restaurer à sa façon. Non pas en reconstituant le style d’une époque, mais en le transformant. «Je ne respecte pas la construction d’origine. J’aime mélanger l’ancien et le contemporain. C’est aussi une façon de mettre en valeur le vieux bois.» Il part donc de meubles abîmés, planches esseulées, carcasses, qu’il transforme et détourne. Parfois, il change même leur fonctionnalité. D’une table foutue aux pieds tordus, il fait surgir un petit bureau élégant. Un établi fatigué se change en bar, un simple tiroir devient petit meuble à téléphone, une vieille porte se transforme en armoire. Un artisan à la conscience écologique, qui préfère créer en recyclant. Une façon intelligente d’agrandir la beauté du monde.
8h: Allumer le feu

«Mon premier geste en arrivant à l’atelier est d’allumer le feu dans le fourneau. En plus, on y réchauffe le café, la soupe, les pâtes. Et on y brûle nos propres déchets de bois.»
8h30: Apprivoiser le bois

«J’achète le bois brut, que je déligne et laisse ensuite reposer plusieurs semaines pour qu’il se stabilise. Il faut bien regarder s’il y a des défauts embêtants, fentes ou nœuds mal placés, sachant que l’on perdra 50% de la planche puisque l’on ne peut utiliser ni l’aubier ni le cœur qui travaille trop.»
9h-12h: Une matière noble

«L’essentiel du travail se passe bien sûr à l’atelier entre l’établi et la circulaire. J’aime travailler le bois, parce que c’est une matière noble, vivante. Il m’arrive de m’extasier en rabotant, quand je découvre une belle veine.»
14h: Huiles bio
«Avec cette vieille ponceuse, j’enduis les meubles terminés à l’huile de lin. Je n’utilise plus les vernis qui bouchent les pores du bois. Je préfère garder le contact avec la matière, que le bois vive.»
Le mariage de l’ancien et du moderne

«Je suis tombé amoureux de cette porte d’armoire en noyer. Que j’ai dû travailler pendant deux jours pour enlever peinture et dégâts des cirons. C’est elle qui m’a donné l’idée de faire l’armoire en MDF (fibres de moyenne densité), laquelle n’est finalement qu’une mise en valeur de la porte.»
18h: Impro aux fourneaux

«Cela ne me gêne pas de cuisiner. Mais j’improvise toujours, je suis incapable de suivre une recette! Je fais des plats rustiques, gratins de légumes, soupes, gâteaux pour la famille. C’est un moment de détente.»
Jam session

«De ma formation musicale, j’ai gardé un saxophone et plusieurs flûtes, traversière et celtique. Là aussi, j’improvise, mais c’est toujours un moment de partage instantané, la musique.»
21h: Coup de pinceau

«Quand tout est calme dans la maison, je peins à l’acrylique sur du bois, des chutes de l’atelier ou des fonds de palettes. La peinture est un voyage intérieur. J’y passe un quart d’heure ou deux heures, ça dépend. J’aime la page blanche, la liberté qu’offre la création.»
@ Migros Magazine/Patricia Brambilla
Auteur: Patricia Brambilla
Photographe: Laurent de Senarclens