Zoug: kirsch, pactole et bitcoin
Zoug, la bonne planque? À tour de rôle refuge fiscal, siège de multinationales à la renommée sulfureuse et nouvelle «Crypto Valley», sa réputation oscille entre réalité et idées reçues. Une chose est sûre: petit canton, grande ambition.

«Chriesi»! Non, ce n’est pas la crise, une notion à peu près inconnue à Zoug. Mais, en dialecte, la cerise, qui est un peu l’emblème et la fierté du canton. Zoug, bien sûr, n’est pas connu que pour son inimitable tourte au kirsch. Sa réputation, plus sulfureuse que pâtissière, repose principalement sur les fameuses «sociétés boîtes aux lettres», ou encore les multinationales qui viennent y chercher un douillet et discret refuge fiscal. Un mastodonte du négoce mondial comme Glencore pouvait-il naître ailleurs qu’à Zoug?
Le phénomène, qui date d’après-guerre, a permis à cette terre d’agriculteurs et de pêcheurs de doubler sa population depuis les années 1960. Plus fort encore: Zoug est parvenu ces dernières années à se profiler en centre mondial des cryptomonnaies, bitcoin en tête. Au point de se voir bientôt qualifié de «Crypto Valley». La performance valait bien une petite visite.

«Le seul secret de Zoug, c’est la recette de la tourte au kirsch»


«Avec les cryptomonnaies, la transparence remplacerait le secret bancaire»

«Le canton a la concentration la plus élevée d’entreprises actives dans le blockchain et les cryptomonnaies de la planète, s’enthousiasme Anton Golub, co-fondateur de Lykke. Elles sont près de 2000 à s’être installées ici, même si certaines n’ont malheureusement qu’une boîte aux lettres.» Lancée en 2013, Lykke appartient à cette nouvelle communauté. «Au moment du lancement, lorsque l’on parlait de ces nouvelles technologies aux gens, tout le monde nous regardait comme si l’on était fous, raconte cet ambitieux trentenaire d’origine croate qui a fait ses premières armes comme trader. Mais nous avons persévéré jusqu’à ce que l’entreprise décolle en 2015.»
Aujourd’hui, elle peut s’enorgueillir de faire partie des sociétés prospères dans son domaine. Elle compte plus de 200 employés et des bureaux dans les villes les plus dynamiques du globe, mais c’est à Zoug que Lykke décide d’installer son siège. La raison? «Pour être très honnête, c’est bien sûr lié aux avantages fiscaux et au dynamisme de cette région qu’on appelle aujourd’hui ‹Crypto Valley›.» Et les pouvoirs publics ne sont pas pour rien dans ce développement.

«Zoug est un canton qui aide vraiment les entreprises à s’installer, explique le fondateur de Lykke. Contrairement à Zurich qui se montre très strict dans ses démarches administratives, le canton fait preuve de davantage de flexibilité. Il accompagne les start-up qui n’ont pas forcément une armée de comptables pour comprendre et remplir tout ce qui est demandé.» En plus de favoriser l’installation de ces entreprises, Zoug a fait de nombreux efforts de promotion pour les attirer. «Les politiciens ont réalisé un excellent travail de marketing, reconnaît Anton Golub. La région s’est ainsi très vite imposée comme le centre planétaire en matière de cryptomonnaies et de blockchain. Je me souviens que, lors d’un rendez-vous informel avec le gouvernement, un conseiller d’État a dit: «Nous ne laisserons pas passer cette opportunité.» Le message est clair. «Après la fin du secret bancaire, la Suisse veut reprendre le pouvoir grâce à la technologie du blockchain. Elle remplacerait ainsi le secret par la transparence totale.»
«Zoug, c’est aussi les cerisiers en fleur au printemps»

Pas de cinq-étoiles à Zoug. Qu’on ne se réjouisse pas trop vite: impossible d’y dormir à moins de 300 francs la nuit. «La semaine, les hôtels sont pleins, de nombreux businessmen viennent y traiter leurs affaires. Les samedis et dimanches, il y a moins de monde, les prix sont moins élevés, mais on peut difficilement dire aux gens, ne venez que le week-end.» Tel est le dilemme de Seraina Koller, directrice de l’Office du tourisme. Conséquence: la plupart des Suisses n’ont jamais mis les pieds à Zoug: «J’entends souvent des visiteurs qui sont ici pour la première fois dire, après être allés dans la vieille ville, je ne savais pas que c’était aussi beau.»
L’image d’un canton tout business et peuplé uniquement de gens riches, Seraina Koller entend bien la corriger: «Ce n’est pas la réalité. Zoug est beaucoup plus que cela. C’est le plus petit canton suisse, mais il offre des paysages variés, avec notamment deux lacs et des vallées, ce que nous essayons de montrer par exemple sur Facebook ou Instagram. Les cerisiers en fleur au printemps sont aussi une image que nous aimons beaucoup utiliser.»

Zoug peut également faire valoir quelques solides traditions. Outre la culture de la cerise, la ville était connue depuis le Moyen Âge pour sa fabrication de bijoux en or. Une activité qui perdure. «La plus ancienne bijouterie d’Europe est à Zoug, la maison a été rachetée et rénovée et la production continue, avec même l’ouverture d’un petit musée consacré à cette activité.»
Pour paisible et bucolique qu’il apparaisse, Zoug abrite environ 120 nationalités: «C’est à la fois très international, on l’entend aux diverses langues parlées dans la rue, et très cosy, puisque tout le monde se connaît.»
Quant à cette appellation toute nouvelle de «Crypto Valley», c’est tout bénéfice, estime Seraina Koller: «Les gens ne savent pas trop ce que c’est, ont plutôt des a priori négatifs, mais cela fait parler de Zoug dans le monde entier.»
«Les histoires négatives sur Glencore dans les médias ne sont pas très équilibrées»

Promis, juré, ce n’est pas que pour les impôts. Si Glencore, la plus grosse multinationale de Suisse, qui emploie 155 000 personnes dans une cinquantaine de pays, a son quartier général à Baar, dans le canton de Zoug, la bienveillance fiscale attachée à ces discrètes latitudes n’en serait pas l’unique explication.
Directrice des Ressources humaines,Gerda Schwindt file la métaphore: «Si vous achetez une voiture dans un garage et que le service après-vente n’est pas bon, vous changez de garage.» Or, Glencore, qui contrôle une part importante des réserves mondiales de matières premières, comme le zinc, le cuivre ou le charbon, reste fidèle à Zoug depuis sa fondation en 1974 par Marc Rich. «Ici les autorités aident vraiment les entreprises, elles comprennent parfaitement les besoins du business, il s’agit d’un réel partenariat.»
L’image de Glencore est souvent mise à mal dans les médias et par les ONG – récemment encore à travers les Paradise Papers – avec des accusations récurrentes de corruption ou de pollution à grande échelle. «La majorité des gens ici garde une opinion favorable, ils connaissent notre entreprise et notre contribution pour la région en tant qu’employeur. Bien sûr, vous trouverez aussi des points de vue plus négatifs.»

L’entrée en bourse en 2011, ainsi que l’évidente nécessité d’un blason à redorer ont visiblement modifié la stratégie de communication de l’entreprise. Gerda Schwindt assure donc qu’à Glencore on est désormais «ouvert au dialogue. Nos portes sont ouvertes.» D’autant, ajoute-t-elle, «que les histoires négatives qui sortent dans les médias ne sont pas très équilibrées et ne présentent qu’un aspect des choses». Dans sa politique de recrutement, Glencore privilégie les profils «capables de penser différemment, d’appréhender plusieurs facettes d’une même réalité. Des gens aussi capables de se comporter comme si l’entreprise leur appartenait.» À l’image du CEO Ivan Glasenberg souvent présenté, avec ses 8,4% d’actions, comme le premier courtier du monde.
Marceline Wermeille
Marceline Wermeille
24.01.2018Avec Glencore, est-on vraiment entre réalité et idées reçues? Et d'ailleurs quelle réalité, celle prônée par Mme Schwindt, directrice des ressources humaines de Glencore!? Si votre hebdomadaire se veut objectif et professionnel, il ne donnerait pas une information aussi orientée! Pour les personnes qui veulent voir l'autre côté des choses concernant Glencore, je leur conseille de lire le magazine publié par PUBLICK EYE intitulé " Les secrets inavoués de Glencore" également sur leur site www.publiceye.ch et ensuite de se faire un avis.